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du district de Montréal. Les méthodes d’assolement empêchaient les terres de s’y appauvrir. On ne se contentait pas de les y laisser se reposer à l’état de jachères. On y variait les cultures — ce qui donnait des résultats excellents. Quant aux arbres fruitiers, dont un large potager renfermait ces espèces diverses qui prospèrent en Europe, ils étaient taillés, émondés, soignés avec entente. Tous y donnaient de beaux fruits, à l’exception peut-être de l’abricotier et du pêcher, qui réussissent mieux dans le sud de la province de l’Ontario que dans l’est de la province de Québec. Mais les autres faisaient honneur au fermier, plus particulièrement ces pommiers qui produisent ce genre de pommes à pulpe rouge et transparente, connues sous le nom de « fameuses ». Quant aux légumes, aux choux rouges, aux citrouilles, aux melons, aux patates, aux bleuets — nom de ces myrtilles des bois, dont les graines noirâtres emplissent les assiettes de dessert — on en récoltait de quoi alimenter deux fois par semaine le marché de Laprairie. En somme, avec les centaines de minots de blé et autres céréales, récoltés à Chipogan, le rendement des fruits et légumes, l’exploitation de quelques acres de forêts, cette ferme de Chipogan assurait à M. de Vaudreuil une part importante de ses revenus. Et, grâce aux soins de Thomas Harcher et de sa famille, il n’était pas à craindre que ces terres, soumises à un surmenage agricole, finissent par s’épuiser et se changer en arides savanes envahies par le fouillis des broussailles.

Du reste, le climat canadien est favorable à la culture. Au lieu de pluie, c’est la neige qui tombe de la fin de novembre à la fin de mars, et protège le tapis vert des prairies. En somme, ce froid vif et sec est préférable aux averses continues. Il laisse les chemins praticables pour les travaux du sol. Nulle part, dans la zone tempérée, ne se rencontre une pareille rapidité de végétation, puisque les blés, semés en mars, sont mûrs en août, et que les foins se font en juin et juillet. Aussi, à cette époque, comme à l’époque actuelle, s’il y a un avenir assuré en Canada, est-ce surtout celui des cultivateurs.

Les bâtiments de la ferme étaient agglomérés dans une enceinte de