Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mise en accusation du gouverneur général, lord Aylmer. Le manifeste est adopté par la Chambre, malgré l’opposition de quelques réformistes qui le trouvent insuffisant. En 1834, il y a lieu de procéder à de nouvelles élections. Papineau et ses partisans sont réélus. Fidèles aux réclamations de la précédente législature, ils insistent pour la mise en accusation du gouverneur général. Mais la Chambre est prorogée en mars 1835, et le ministère remplace lord Aylmer par le commissaire royal lord Gosford, auquel sont adjoints deux commissaires, chargés d’étudier les causes de l’agitation actuelle. Lord Gosford proteste des dispositions conciliantes de la Couronne envers ses sujets d’outre-mer, sans obtenir que les députés veuillent reconnaître les pouvoirs de la commission d’enquête.

Entre temps, grâce à l’émigration, le parti anglais s’est peu à peu renforcé — même dans le bas Canada. À Montréal, à Québec, des associations constitutionnelles sont formées, afin de comprimer les réformistes. Si le gouverneur est obligé de dissoudre ces associations, créées contrairement à la loi, elles n’en restent pas moins prêtes à l’action. On sent que l’attaque sera très vive des deux côtés. L’élément anglo-américain est plus audacieux que jamais. Il n’est question que d’angliciser le bas Canada par tous les moyens. Les patriotes sont décidés à la résistance légale ou extra-légale. De cette situation si tendue, il ne peut sortir que de terribles heurts. Le sang des deux races va couler sur le sol conquis autrefois par l’audace des découvreurs français.

Telle était la situation du Canada en l’année 1837, au début de cette histoire. Il importait de mettre en lumière l’antagonisme d’origine des éléments français et anglais, la vitalité de l’un, la ténacité de l’autre.

Et d’ailleurs, cette Nouvelle-France, n’était-ce pas un morceau de la patrie, comme cette Alsace-Lorraine que l’invasion brutale allait arracher trente ans plus tard ? Et les efforts tentés par les Franco-Canadiens pour lui rendre au moins son autonomie, n’est-ce pas là un exemple que les Français de l’Alsace et de la Lorraine ne doivent jamais oublier ?