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En un instant, Pierre Harcher, après avoir donné un coup de barre, eut rangé le flanc du train de bois, où le Champlain fut amarré par l’avant. Le marinier, voyant cette manœuvre, avait interrompu sa chanson et crié :

« Eh ! du cotre !… prenez garde !

— Il n’y a pas de danger, Louis Lacasse ! répondit Pierre Harcher. C’est le Champlain. »

D’un bond, Jean venait de sauter sur le train de bois, et avait rejoint le patron, qui lui dit, dès qu’il l’eût reconnu à la lueur du fanal :

« À vous rendre mes « devouers », monsieur Jean !

— Merci, Lacasse.

— Je comptas vous rencontrer en route, et j’étas même décidé à espérer le Champlain à mon prochain mouillage pendant le flot. Mais puisque vous voilà…

— Tout est à bord ? demanda Robert.

— Tout est à bord, caché sous les madriers et entre les poutres !… C’est joliment arrimé, je vous assure ! ajouta Louis Lacasse, en tirant son batte-feu pour allumer sa pipe.

— Les douaniers sont-ils venus ?…

— Oui… à Verchères !… Ces manières de gabelous sont restés là à bavasser pendant une demi-heure !… Ils n’ont rien vu !… C’est comme si c’état enfermé dans une boète ! »

Louis Lacasse prononçait le mot « boîte », comme il avait dit « devouers », ainsi que cela se fait encore dans certaines provinces de France.

« Combien ?… demanda Jean.

— Deux cents fusils.

— Et de sabres ?

— Deux cent cinquante.

— Ils viennent ?…

— Du Vermont. Nos amis les Américains ont bien travaillé, et ça