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sujet avec les chefs des comités. Que quelques-unes de ces pièces fussent fabriquées à temps, et les bras ne manqueraient pas pour les servir.

En quittant les Trois-Rivières, le Champlain longea à gauche la rive du comté de Maskinongé, relâcha à la petite ville de ce nom, puis déboucha, la nuit du 24 au 25 septembre, dans un assez large évasement du Saint-Laurent, qu’on appelle le lac Saint-Pierre. Là se développe, en effet, une sorte de lac, long de cinq lieues, limité en amont par une série d’îlots, qui s’étendent depuis Berthier, bourgade du comté de ce nom, jusqu’à Sorel, appartenant au comté de Richelieu.

En cet endroit, les frères Harcher tendirent leurs filets, ou plutôt les mirent à la traîne, et, servis par le courant, ils continuèrent à remonter le fleuve sous petite vitesse. D’épais nuages couvraient le ciel, et l’obscurité était assez profonde pour qu’il fût impossible d’apercevoir les rives dans le nord et dans le sud.

Un peu après minuit, Pierre Harcher, de garde à l’avant, aperçut un feu qui brillait en amont du fleuve.

« C’est sans doute le fanal d’un navire en dérive, dit Rémy, qui avait rejoint son frère.

— Attention aux filets ! répliqua Jacques. Nous en avons trente brasses dehors, et ils seraient perdus, si ce navire nous tombait en travers !

— Eh bien, gagnons sur tribord, dit Michel. Dieu merci ! l’espace ne manque pas…

— Non, répondit Pierre, mais le vent refuse, et nous allons dériver…

— Il vaudrait mieux haler nos filets, fit observer Tony. Ce serait plus sûr…

— Oui, et ne perdons pas de temps, » répliqua Rémy.

Les frères Harcher se préparaient à rentrer leurs engins à bord, lorsque Jean dit :

« Êtes vous certains que ce soit un navire qui se laisser aller au courant du fleuve ?…