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avec fusils, poudre et plomb. Vous serez donc armés à temps. Mais ne vous levez pas avant l’heure. En outre, si cela était nécessaire, vous pourriez entrer en communication avec le comité de la villa Montcalm, dans l’île Jésus, et correspondre avec son président…

M. de Vaudreuil ?…

— Lui-même.

— C’est entendu.

— Ne m’avez-vous pas dit, reprit Jean, que l’abbé Joann avait passé par Nicolet ?

— Il était ici, il y a six jours.

— Savez-vous où il est allé en vous quittant ?

— Dans le comté de Verchères, et il doit, si je ne me trompe, se rendre ensuite dans le comté de Laprairie ! »

Sur ce, Jean prit congé du juge de paix, et rentra à bord du Champlain, au moment où les frères Harcher y revenaient, après avoir vendu leur poisson. Le fleuve fut alors obliquement traversé dans la direction du comté de Saint-Maurice.

À l’embouchure de la rivière de ce nom, s’élève l’une des plus anciennes bourgades du pays, la bourgade des Trois-Rivières, au débouché d’une vallée fertile. À cette époque, on venait d’y créer une fonderie de canons, dirigée par une société franco-canadienne, et qui n’occupait que des ouvriers franco-canadiens.

C’était là un centre anti-loyaliste que Jean ne pouvait négliger. Le Champlain remonta donc pendant plusieurs milles le cours du Saint-Maurice, et le jeune patriote se mit en relation avec les comités institués dans les paroisses.

Il est vrai, cette fonderie, de création récente, se trouvait encore dans la période d’organisation. Quelques mois plus tard, peut-être les réformistes auraient-ils pu s’y fournir de ces bouches à feu dont ils étaient malheureusement privés. Il était possible, cependant — à la condition que l’on travaillât jour et nuit — qu’ils fussent en mesure d’opposer à l’artillerie des troupes royales les premiers canons fondus à l’usine de Saint-Maurice. Jean eut un très important entretien à ce