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d’habitude ? Est-ce qu’on peut mettre en doute que je sois de la famille Harcher, comme tes frères et toi ?

— Eh ! j’imagine volontiers que tu en es réellement ! s’écria Jacques, le plus jeune des cinq, qui était d’un caractère enjoué. Notre brave père a tant d’enfants qu’un de plus ne l’embarrassait guère, et qu’il pourrait s’y tromper lui-même !

— Et d’ailleurs, ajouta Tony, il t’aime comme un fils, et nous t’aimons comme si nous étions du même sang !

— Ne le sommes-nous pas, Jean, et, comme toi, de race française ? dit Rémy.

— Oui, certes ! répondit Jean. Pourtant, je ne crois pas que nous ayons rien à craindre de la police…

— On ne se repent jamais d’avoir été trop prudent ! fit observer Tony.

— Non, sans doute, répondit Jean, et si c’est uniquement par prudence que Pierre propose de traverser le fleuve…

— Par prudence, oui, répondit le patron du Champlain, car le temps va changer !

— C’est autre chose, cela ! répondit Jean.

— Regarde, reprit Pierre. La bourrasque de nord-est ne tardera pas à se lever, et j’ai comme une idée qu’elle sera raide !… Je sens cela !… Oh ! nous en avons bravé bien d’autres ; mais il faut songer à notre bateau, et je ne me soucie pas de le mettre en perdition sur les roches de la Rivière-du-Loup ou de Kamouraska !

— Soit ! répondit Jean. Regagnons la rive au nord, du côté de Tadoussac, si c’est possible. Nous remonterons alors le cours du Saguenay jusqu’à Chicoutimi, et là nous ne perdrons ni notre temps ni nos peines !

— Vite alors ! s’écria Michel. Pierre a raison ! Ce gueux de nord-est n’est pas loin. S’il prenait le Champlain par le travers, nous ferions cent fois plus de chemin vers Québec qu’il n’y en a vers Tadoussac ! »

Les voiles du Champlain furent orientées au plus près, et,