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VI
le saint-laurent.


La vallée du Saint-Laurent est peut-être l’une des plus vastes que les convulsions géologiques aient dessinées à la surface du globe. M. de Humboldt lui attribue une superficie de deux cent soixante-dix mille lieues carrées — superficie égale à peu près à celle de l’Europe entière. Le fleuve, dans son cours capricieux, semé d’îles, barré de rapides, accidenté de chutes, traverse cette riche vallée qui forme le Canada français par excellence. Ces territoires, où s’établirent les premières seigneuries de la noblesse émigrante, sont partagés à l’heure actuelle en comtés et districts. À l’embouchure du Saint-Laurent, sur cette large baie, au delà de l’estuaire, émergent l’archipel de la Madeleine, les îles du Cap Breton et du Prince-Édouard, et la grande île d’Anticosti, que les côtes si diverses d’aspect du Labrador, de Terre-Neuve et de l’Acadie ou Nouvelle-Écosse, abritent contre les redoutables vents de l’Atlantique septentrional.

C’est vers la mi-avril, seulement, que commence la débâcle des glaces, accumulées par la rigoureuse et longue période hivernale du climat canadien. Le Saint-Laurent devient navigable alors. Les navires de grand tonnage peuvent le remonter jusqu’à la région des lacs — ces mers d’eau douce, dont le chapelet se déroule à travers ce poétique pays, qu’on a si justement appelé le « pays de Cooper ». À cette époque, le fleuve, servi par le flux et le reflux de ses marées, s’anime comme une rade dont un traité de paix viendrait de lever le blocus. Navires à voiles, steamers, steam-boats, trains de bois, bateaux pilotes, caboteurs, barques de pêche, embarcations de plaisance, canots de toutes sortes, glissent à la surface de ses eaux,