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où suis-je ?

En effet, toujours bâillonné, on m’a saisi par les jambes et les épaules. Mon impression a été, non point que des bras me soulevaient au-dessus du bastingage d’un bâtiment, mais qu’ils m’affalaient au contraire… Était-ce pour me lâcher… me précipiter à l’eau, afin de se débarrasser d’un témoin gênant ?… Cette idée m’a traversé un instant l’esprit, un frisson d’angoisse m’a couru de la tête aux pieds… Instinctivement, j’ai pris une large respiration, et ma poitrine s’est gonflée de cet air qui ne tarderait peut-être pas à lui manquer…

Non ! on m’a descendu avec de certaines précautions sur un plancher solide, qui m’a donné la sensation d’une froideur métallique. J’étais couché en long. À mon extrême surprise, les liens qui m’entravaient avaient été relâchés. Les piétinements ont cessé autour de moi. Un instant après, j’ai entendu le bruit sonore d’une porte qui se refermait…

Me voici… Où ?… Et d’abord, suis-je seul ?… J’arrache le bâillon de ma bouche et le bandeau de mes yeux…

Tout est noir, profondément noir. Pas le plus mince rayon de clarté, pas même cette vague perception de lumière que conserve la