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sur le pont.

Je ne sais s’il me sera permis de communiquer avec mon ancien pensionnaire ?…

Tandis que je m’avance vers lui, le capitaine Spade et l’ingénieur Serkö m’observent.

Je m’approche de Thomas Roch, qui ne me voit pas venir, et me voici a son côté.

Thomas Roch n’a point l’air de me reconnaître, et ne fait pas un seul mouvement. Ses yeux, qui brillent d’un vif éclat, ne cessent de parcourir l’espace. Heureux de respirer cette atmosphère vivifiante et chargée d’émanations salines, sa poitrine se gonfle en de longues aspirations. À cet air suroxygéné se joint la lumière d’un magnifique soleil, débordant un ciel sans nuages, et dont les rayons le baignent tout entier. Se rend-il compte du changement survenu dans sa situation ?… Ne se souvient-il plus déjà de Healthful-House, du pavillon où il était prisonnier, de son gardien Gaydon ?… C’est infiniment probable. Le passé s’est effacé de son souvenir, et il est tout au présent.

Mais, à mon avis, même sur le pont de l’Ebba, dans ce milieu de la pleine mer, Thomas Roch est toujours l’inconscient que j’ai soigné durant quinze mois. Son état intellectuel n’a pas changé, la raison ne lui reviendra