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où suis-je ?

l’obscurité, — silence bizarre, troublé seulement, lorsque je remue, par la sonorité du plancher métallique. Rien de ces rumeurs sourdes qui règnent d’habitude à bord des navires, ni le vague frôlement du courant le long de sa coque, ni le clapotis de la mer qui lèche sa carène. Rien non plus de ce bercement qui eût dû se produire, car, dans l’estuaire de la Neuze, la marée détermine toujours un mouvement ondulatoire très sensible.

Mais, en réalité, ce compartiment où je suis emprisonné appartient-il à un navire ?… Puis-je affirmer qu’il flotte à la surface des eaux de la Neuze, bien que j’aie été transporté par une embarcation dont le trajet n’a duré qu’une minute ?… En effet, pourquoi ce canot, au lieu de rejoindre un bâtiment quelconque qui l’attendait au pied de Healthful-House, n’aurait-il point rallié un autre point de la rive ?… Et, dans ce cas, ne serait-il pas possible que j’eusse été déposé à terre, au fond d’une cave ?… Cela expliquerait cette immobilité complète du compartiment. Il est vrai, il y a ces cloisons métalliques, ces tôles boulonnées, et aussi cette vague émanation saline répandue autour de moi — cette odeur sui generis, dont l’air