Page:Verne - Deux Ans de vacances, Hetzel, 1909.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
deux ans de vacances.

Trop souvent, les capitaines ne s’inquiètent guère de porter secours au navire qu’ils ont heurté. C’est là une conduite criminelle, dont on a de nombreux exemples. Mais, dans l’espèce, il était très admissible qu’à bord du steamer, on n’eût rien senti de la collision avec ce léger yacht, qui n’avait pas même été entrevu dans l’ombre.

Alors, emportés par le vent, ces jeunes garçons durent se croire perdus. Quand le jour se leva, l’immensité était déserte. En cette portion peu fréquentée du Pacifique, les navires, qui vont de l’Australasie à l’Amérique ou de l’Amérique à l’Australasie, suivent des routes plus méridionales ou plus septentrionales. Pas un ne passa en vue du yacht. La nuit vint, encore plus mauvaise, et, s’il y eut des accalmies dans la rafale, le vent ne cessa de souffler de l’ouest.

Ce que durerait cette traversée, c’est ce dont ni Briant ni ses camarades ne pouvaient se faire une idée. En vain voulurent-ils manœuvrer de façon à ramener le schooner dans les parages néo-zélandais ? Le savoir leur manquait pour modifier son allure, comme la force pour installer ses voiles.

Ce fut dans ces conditions que Briant, déployant une énergie très supérieure à son âge, commença de prendre sur ses camarades une influence que Doniphan lui-même dut subir. Si, aidé en cela par Moko, il ne parvint pas à ramener le yacht vers les parages de l’ouest, du moins employa-t-il le peu qu’il savait à le maintenir dans de suffisantes conditions de navigabilité. Il ne s’épargna pas, il veilla nuit et jour, ses regards parcourant obstinément l’horizon pour y chercher une chance de salut. Il eut soin aussi de faire jeter à la mer quelques bouteilles renfermant un document relatif au Sloughi. Faible ressource, sans doute, mais qu’il ne voulut pas négliger.

Cependant, les vents d’ouest poussaient toujours le yacht à travers le Pacifique, sans qu’il fût possible d’enrayer sa marche ni même de diminuer sa vitesse.

On sait ce qui s’était passé. Quelques jours après que le schooner