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deux ans de vacances.

si problématique que fût cette éventualité, Moko se hâta-t-il de hisser un fanal en tête du mât de misaine. Il n’y eut plus alors qu’à attendre le lever du jour.

Quant aux petits, comme le tumulte ne les avait point réveillés, il avait paru bon de les laisser dormir. Leur effroi n’aurait pu que mettre le désordre à bord.

Cependant, plusieurs tentatives furent encore faites pour ramener le Sloughi au vent. Mais il abattait aussitôt et dérivait dans l’est avec rapidité.

Soudain, un feu fut signalé à deux ou trois milles. C’était un feu blanc, en tête de mât – ce qui est le signe distinctif des steamers en marche. Bientôt les deux feux de position, rouge et vert, apparurent, et, comme ils étaient visibles à la fois l’un et l’autre, c’est que ce steamer se dirigeait droit sur le yacht.

Les jeunes garçons poussèrent inutilement des cris de détresse. Le fracas des lames, le sifflement de la vapeur qui fusait par les tuyaux d’échappement du steamer, le vent devenu plus violent au large, tout se réunissait pour que leurs voix se perdissent dans l’espace.

Pourtant, s’ils ne pouvaient les entendre, les matelots de quart n’apercevraient-ils pas le fanal du Sloughi ? C’était une dernière chance.

Par malheur, dans un coup de tangage, la drisse vint à casser, le fanal tomba à la mer, et rien n’indiqua plus la présence du Sloughi, sur lequel le steamer courait avec une vitesse de douze milles à l’heure.

En quelques secondes, le yacht fut abordé et il aurait sombré à l’instant, s’il eût été pris par le travers ; mais la collision se produisit seulement à l’arrière et ne démolit qu’une partie du tableau, sans heurter la coque.

Le choc avait été si faible, en somme, que, laissant le Sloughi à la merci d’une bourrasque très prochaine, le steamer continua sa route.