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deux ans de vacances.

« Partons !… Partons !… dit-il. J’ai hâte d’être en route !… La mer me remettra tout à fait ! »

Le départ fut fixé au 5 février.

La veille, Gordon avait rendu la liberté aux animaux domestiques. Guanaques, vigognes, outardes, et toute la gent emplumée, peu reconnaissants des soins qui leur avaient été donnés, s’enfuirent, les uns à toutes jambes, les autres à tire d’aile, tant l’instinct de la liberté est irrésistible.

« Les ingrats ! s’écria Garnett. Après les attentions que nous avons eues pour eux !

— Voilà le monde ! » répondit Service d’un ton si plaisant que cette philosophique réflexion fut accueillie par un rire général.

Le lendemain, les jeunes passagers s’embarquèrent dans la chaloupe, qui allait prendre la yole à sa remorque, et dont Evans se servirait comme de you-you.

Mais, avant de larguer l’amarre, Briant et ses camarades voulurent se réunir encore une fois devant les tombes de François Baudoin et de Forbes. Ils s’y rendirent avec recueillement, et, en même temps qu’une dernière prière, ce fut un dernier souvenir qu’ils donnèrent à ces infortunés.

Doniphan s’était placé à l’arrière de l’embarcation près d’Evans, chargé de gouverner. À l’avant, Briant et Moko se tenaient aux écoutes des voiles, bien qu’il y eût plus à compter sur le courant pour descendre le rio Zealand que sur la brise, dont le massif d’Auckland-hill rendait la direction très incertaine.

Les autres, ainsi que Phann, s’étaient placés à leur fantaisie sur la partie antérieure du pont.

L’amarre fut détachée, et les avirons frappèrent l’eau.

Trois hurrahs saluèrent alors cette hospitalière demeure, qui, depuis tant de mois, avait offert un abri si sûr aux jeunes colons, et ce ne fut pas sans émotion – sauf Gordon tout triste d’abandonner son île – qu’ils virent Auckland-hill disparaître derrière les arbres de la berge.