vingt mois, lui raconter dans quelles conditions le Sloughi avait quitté la Nouvelle-Zélande, sa longue traversée du Pacifique jusqu’à l’île, la découverte des restes du naufragé français, l’installation de la petite colonie à French-den, les excursions pendant la saison chaude, les travaux pendant l’hiver, comment enfin la vie avait été relativement assurée et exempte de périls, avant l’arrivée de Walston et de ses complices.
« Et, depuis vingt mois, pas un bâtiment ne s’est montré en vue de l’île ? demanda Evans.
— Du moins nous n’en avons pas aperçu un seul au large, répondit Briant.
— Aviez-vous établi des signaux ?…
— Oui ! un mât élevé sur le plus haut sommet de la falaise.
— Et il n’a pas été reconnu ?…
— Non, master Evans, répondit Doniphan. Mais il faut dire que, depuis six semaines, nous l’avons abattu, afin de ne point attirer l’attention de Walston.
— Et vous avez bien fait, mes garçons ! Maintenant, il est vrai, ce coquin sait à quoi s’en tenir ! Aussi, nuit et jour, nous serons sur nos gardes !
— Pourquoi, fit alors observer Gordon, pourquoi faut-il que nous ayons affaire à de pareils misérables au lieu d’honnêtes gens, auxquels nous aurions été si heureux de venir en aide ! Notre petite colonie n’en eût été que plus forte ! Désormais, c’est la lutte qui nous attend, c’est notre vie à défendre, c’est un combat, et savons-nous quelle en sera l’issue !
— Dieu qui vous a protégés jusqu’ici, mes enfants, répondit Kate, Dieu ne vous abandonnera pas ! Il vous a envoyé ce brave Evans, et avec lui…
— Evans !… hurrah pour Evans !… s’écrièrent d’une seule voix tous les jeunes colons.
— Comptez sur moi, mes garçons, répondit le master, et, comme je compte aussi sur vous, je vous promets que nous nous défendrons bien !