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deux ans de vacances.

— Les monstres ! s’écria Kate. Ils n’auraient pas eu pitié de ces enfants…

— Non, Kate, répondit Evans, pas plus qu’ils n’ont eu pitié du capitaine et des passagers du Severn ! Des monstres ! .. Vous les avez bien nommés, et ils sont commandés par le plus cruel d’entre eux, ce Walston, qui, je l’espère, n’échappera pas au châtiment de ses crimes !

— Enfin, Evans, vous êtes parvenu à vous enfuir, Dieu merci ! dit Kate.

— Oui, Kate. Il y a douze heures environ, j’ai pu profiter d’une absence de Walston et des autres, qui m’avaient laissé sous la surveillance de Forbes et de Rock. Le moment me parut bon pour prendre le large. Quant à dépister ces deux scélérats, ou tout au moins à les distancer, si je parvenais à prendre sur eux quelque avance, cela me regardait !

« Il était environ dix heures du matin, lorsque je me jetai à travers la forêt… Presque aussitôt Forbes et Rock s’en aperçurent et se mirent à ma poursuite. Ils étaient armés de fusils… Moi, je n’avais que mon couteau de marin pour me défendre, et mes jambes pour filer comme un marsouin !

« La poursuite dura toute la journée. En coupant obliquement sous bois, j’étais arrivé à la rive gauche du lac. Il fallait encore en tourner la pointe, car, d’après la conversation que j’avais entendue, je savais que vous étiez établis sur les bords d’un rio qui coulait vers l’ouest.

« Vraiment, je n’ai jamais si bien détalé de ma vie, ni si longtemps ! près de quinze milles, franchis dans cette journée ! Mille diables ? Les gueux couraient aussi vite que moi, et leurs balles volaient plus vite encore. À plusieurs reprises, elles sifflèrent à mes oreilles. Songez donc ! Je savais leur secret ! Si je leur échappais, je pourrais les dénoncer ! Il fallait me reprendre à tout prix ! Vrai ! s’ils n’avaient pas eu d’armes à feu, je les aurais attendus de pied ferme, mon couteau à la main ! Je les aurais tués ou ils m’auraient tué !…