Briant vint alors entretenir Gordon à ce sujet. Tous deux comprenaient bien que le vent, quoiqu’il eût un peu remonté vers le nord, empêchait la mer de baisser autant qu’elle l’aurait fait par temps calme.
« Quel parti prendre ? dit Gordon.
— Je ne sais… je ne sais !… répondit Briant. Et, quel malheur de ne pas savoir… de n’être que des enfants, quand il faudrait être des hommes !
— La nécessité nous instruira ! répliqua Gordon. Ne désespérons pas, Briant, et agissons prudemment !…
— Oui, agissons, Gordon ! Si nous n’avons pas abandonné le Sloughi avant le retour de la marée, s’il faut encore rester une nuit à bord, nous sommes perdus…
— Cela n’est que trop évident, car le yacht sera mis en pièces ! Aussi devrons-nous l’avoir quitté à tout prix…
— Oui, à tout prix, Gordon !
— Est-ce qu’il ne serait pas à propos de construire une sorte de radeau, un va-et-vient ?…
— J’y avais déjà songé, répondit Briant. Par malheur, presque tous les espars ont été enlevés dans la tempête. Quant à briser les pavois pour essayer de faire un radeau avec leurs débris, nous n’en avons plus le temps ! Reste la yole, dont on ne peut se servir, car la mer est trop forte ! Non ! Ce que l’on pourrait tenter, ce serait de porter un câble à travers le banc de récifs et de l’amarrer par son extrémité à la pointe d’une roche. Peut-être alors parviendrait-on à se haler près de la grève…
— Qui portera ce câble ?
— Moi, répondit Briant.
— Et je t’y aiderai !… dit Gordon.
— Non, moi seul !… répliqua Briant.
— Sers-toi de la yole ?
— Ce serait risquer de la perdre, Gordon, et mieux vaut la conserver comme dernière ressource ! »