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deux ans de vacances.

encore la force de courir. Ils voulaient au moins entrevoir cette partie du Pacifique, pendant qu’il restait un peu de jour. Était-ce une mer sans limite ou seulement un étroit canal, qui séparaient cette côte d’un continent ou d’une île ?

Soudain, Wilcox, qui s’était porté un peu en avant, s’arrêta. De la main, il montrait une masse noirâtre, qui se dessinait à l’accore de la grève. Y avait-il là un animal marin, un de ces gros cétacés, tels que baleineau ou baleine, échoué sur le sable ? N’était-ce pas, plutôt, une embarcation, qui s’était mise au plein, après avoir été drossée au-delà des récifs ?

Oui ! c’était une embarcation, gîtée sur son flanc de tribord. Et, en deçà, près du cordon des varechs enroulés à la limite de la marée montante, Wilcox montrait deux corps, couchés à quelques pas de l’embarcation.

Doniphan, Webb et Cross avaient tout d’abord suspendu leur course. Puis, sans réfléchir, ils s’élancèrent à travers la grève et arrivèrent devant les deux corps, étendus sur le sable – des cadavres peut-être !…

Ce fut alors, que, pris d’épouvante, n’ayant même pas la pensée qu’il pouvait rester un peu de vie à ces corps, qu’il importait de leur donner des soins immédiats, ils revinrent précipitamment chercher un refuge sous les arbres.

La nuit était déjà obscure, bien qu’elle fût encore illuminée de quelques éclairs, qui ne tardèrent pas à s’éteindre. Au milieu de ces profondes ténèbres, les hurlements de la bourrasque se doublaient du fracas d’une mer démontée.

Quelle tempête ! Les arbres craquaient de toutes parts, et ce n’était pas sans danger pour ceux qu’ils abritaient ; mais il eût été impossible de camper sur la grève, dont le sable, enlevé par le vent, cinglait l’air comme une mitraille.

Pendant toute la nuit Doniphan, Wilcox, Webb et Cross restèrent à cette place, et ne purent fermer les yeux un seul instant. Le froid les fit cruellement souffrir, car ils n’avaient pu allumer un feu, qui