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deux ans de vacances.

La marche fut reprise au soleil levant. Il y avait quelques raisons de se hâter. Le temps menaçait de changer. Le vent, qui halait l’ouest, manifestait une tendance à fraîchir. Déjà les nuages chassaient du large, en se tenant dans une zone encore élevée, il est vrai – ce qui permettait d’espérer qu’ils ne se résoudraient pas en pluie. Braver le vent, même s’il soufflait en tempête, cela n’était point pour effrayer des garçons résolus. Mais la rafale, avec son accompagnement ordinaire d’averses torrentielles, les aurait fort gênés, et ils eussent été contraints de suspendre leur expédition, afin de regagner l’abri de Bear-rock.

Ils pressèrent donc le pas, bien qu’ils eussent à lutter contre la bourrasque qui les prenait de flanc. La journée fut extrêmement pénible et annonçait une nuit très mauvaise. En effet, ce n’était rien moins qu’une tempête qui assaillit l’île, et, à cinq heures du soir, de longs roulements de foudre se firent entendre au milieu de l’embrasement des éclairs.

Doniphan et ses camarades ne reculèrent point. L’idée qu’ils touchaient au but les encourageait. D’ailleurs, les massifs de Beechs-forest s’allongeaient encore dans cette direction, et ils auraient toujours la ressource de pouvoir se blottir sous les arbres. Le vent se déchaînait avec trop de violence pour que la pluie fût à craindre. En outre, la côte ne devait pas être éloignée.

Vers huit heures, le sonore mugissement du ressac se fit entendre – ce qui indiquait la présence d’un banc de récifs au large de l’île Chairman.

Cependant le ciel, déjà voilé par d’épaisses vapeurs, s’assombrissait peu à peu. Pour que le regard pût se porter au loin sur la mer, tandis que les dernières lueurs éclairaient encore l’espace, il importait de hâter la marche. Au-delà de la lisière d’arbres s’étendait une grève, large d’un quart de mille, sur laquelle les lames, blanches d’écume, déferlaient, après s’être choquées contre les brisants du nord.

Doniphan, Webb, Cross, Wilcox, bien que très fatigués, eurent