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deux ans de vacances.

De cet état de choses, il résultait donc que le bon accord, si indispensable à la tranquillité des hôtes de French-den, était détruit. On éprouvait une gêne morale, qui rendait très pénible l’existence en commun.

En effet, sauf aux heures des repas, Doniphan et ses partisans, Cross, Webb, Wilcox, qui subissaient de plus en plus sa domination, vivaient à part. Lorsque le mauvais temps les empêchait d’aller à la chasse, ils se réunissaient dans un coin du hall et, là, causaient entre eux à voix basse.

« À coup sûr, dit un jour Briant à Gordon, tous quatre s’entendent pour quelque agissement…

— Pas contre toi, Briant ? répondit Gordon. Essayer de prendre ta place ?… Doniphan n’oserait pas !… Nous serions tous de ton côté, tu le sais, et il ne l’ignore pas !

— Peut-être Wilcox, Cross, Webb et lui songent-ils à se séparer de nous ?…

— C’est à craindre, Briant, et je n’imagine pas que nous ayons le droit de les en empêcher !

— Les vois-tu, Gordon, allant s’établir au loin…

— Ils n’y pensent peut-être pas, Briant ?

— Ils y pensent, au contraire ! J’ai vu Wilcox prendre une copie de la carte du naufragé Baudoin, et c’est évidemment dans le but de l’emporter…

— Wilcox a fait cela ?…

— Oui, Gordon, et, en vérité, je ne sais pas si, pour faire cesser de tels ennuis, il ne vaudrait pas mieux me démettre en faveur d’un autre… de toi, Gordon, ou même de Doniphan !… Cela couperait court à toute rivalité…

— Non, Briant ! répondit Gordon avec force. Non !… Ce serait manquer à tes devoirs envers ceux qui t’ont nommé… à ce que tu te dois à toi-même ! »

Ce fut au cours de ces dissensions fâcheuses que s’acheva l’hiver. Avec les premiers jours d’octobre, les froids ayant définitivement