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deux ans de vacances.

— Crois-tu donc, Briant, qu’il y ait quelque chose à craindre pour eux ?…

— Eh ! qui sait, Gordon ?… Il est toujours imprudent de s’éloigner !… Vois comme ils sont loin déjà ! »

Et, de fait, emportés dans une course rapide, Doniphan et Cross n’apparaissaient déjà plus que comme deux points à l’horizon du lac.

S’ils avaient le temps de revenir, puisque le jour devait durer quelques heures encore, c’était pourtant une imprudence. En effet, à cette époque de l’année, il y avait toujours lieu de redouter un subit changement dans l’état de l’atmosphère. Une modification à la direction du vent eût suffi pour amener des rafales ou des brouillards.

Aussi, que l’on juge de ce que furent les appréhensions de Briant, lorsque, vers deux heures, l’horizon se déroba brusquement sous une épaisse bande de brumes.

À ce moment, Cross et Doniphan n’avaient point encore reparu, et les vapeurs, maintenant accumulées à la surface du lac, en cachaient la rive occidentale.

« Voilà ce que je craignais ! s’écria Briant. Comment retrouveront-ils leur route ?

— Un coup de cornet !… Donne un coup de cornet ! » répondit vivement Gordon.

Par trois fois, le cornet retentit, et sa note cuivrée se prolongea à travers l’espace. Peut-être y serait-il répondu par des coups de fusil, – le seul moyen que Doniphan et Cross eussent de faire connaître leur position ?

Briant et Gordon écoutèrent… Aucune détonation n’arriva à leur oreille.

Déjà, cependant, le brouillard avait beaucoup gagné en épaisseur comme en étendue, et ses premières volutes se déroulaient à moins d’un quart de mille de la rive. Or, comme il s’élevait en même temps vers les hautes zones, le lac aurait entièrement disparu avant quelques minutes.