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deux ans de vacances.

Mais, maintenant, feindre de l’ignorer vis-à-vis de Briant, cela lui eût trop coûté. Aussi, quelques instants après, lorsqu’il le trouva seul près de la yole :

« Monsieur Briant, dit-il, j’ai entendu…

— Quoi ! tu sais ce que Jacques ?…

— Oui, monsieur Briant… Et il faut lui pardonner…

— Les autres lui pardonneraient-ils ?…

— Peut-être ! répondit Moko. En tout cas, mieux vaut qu’ils n’apprennent rien, et soyez sûr que je me tairai !…

— Ah ! mon pauvre Moko ! » murmura Briant, en serrant la main du mousse.

Pendant deux heures, jusqu’au moment d’embarquer, Briant n’adressa pas la parole à Jacques. Celui-ci, d’ailleurs, resta assis, au pied d’une roche, certainement plus abattu, depuis que, cédant aux instances de son frère, il avait tout avoué.

Vers dix heures, le flot s’étant fait sentir, Briant, Jacques et Moko prirent place dans la yole. Dès qu’elle fut démarrée, le courant l’entraîna rapidement. La lune, s’étant levée un peu après le coucher du soleil, éclairait suffisamment le cours de l’East-river pour que la navigation devînt praticable jusque vers minuit et demi. Le jusant, qui s’établit alors, obligea de prendre les avirons, et, pendant une heure, la yole ne gagna pas d’un mille en amont.

Briant proposa donc de mouiller jusqu’au jour naissant, afin d’attendre la marée montante – ce qui fut fait. À six heures du matin, on se remit en route, et il était neuf heures, lorsque la yole eut retrouvé les eaux du Family-lake.

Là, Moko rehissa sa voile, et, avec une jolie brise qui prenait par le travers, il mit le cap sur French-den.

Vers six heures du soir, après une heureuse traversée, pendant laquelle Briant ni Jacques n’étaient guère sortis de leur mutisme, la yole fut signalée par Garnett, qui pêchait sur les bords du lac. Quelques instants plus tard, elle accostait la digue, et Gordon accueillait avec empressement le retour de ses camarades.