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deux ans de vacances.

L’après-midi fut occupé par un travail qui ne laissait pas d’être fort répugnant. Gordon y prit part en personne, et, comme c’était là une besogne indispensable, tous s’y employèrent résolument. Il fallut d’abord ramener sur le sable les phoques qui étaient tombés entre les récifs. Bien que ces animaux ne fussent que de moyenne taille, cela donna quelque peine.

Pendant ce temps, Moko avait disposé la bassine au-dessus d’un foyer, établi entre deux grosses pierres. Les quartiers de phoques, dépecés en morceaux de cinq à six livres chacun, furent déposés dans cette bassine qui avait été préalablement remplie d’eau douce, puisée au rio à l’heure de la mer basse. Quelques instants suffirent pour que l’ébullition en dégagea une huile claire, qui surnagea à la surface, et dont les tonneaux furent successivement remplis.

Ce travail rendait la place véritablement intenable par l’infection qu’il répandait. Chacun se bouchait le nez, mais non les oreilles – ce qui permettait d’entendre les plaisanteries que provoquait cette opération désagréable. Le délicat « lord Doniphan » lui-même ne bouda pas devant la besogne, qui fut reprise le lendemain.

À la fin de cette seconde journée, Moko avait recueilli ainsi plusieurs centaines de gallons d’huile. Il parut suffisant de s’en tenir là, puisque l’éclairage de French-den se trouvait assuré pour toute la durée du prochain hiver. D’ailleurs, les phoques n’étaient point revenus sur les récifs ni sur la grève, et, certainement, ils ne fréquenteraient plus le littoral de Sloughi-bay, avant que le temps n’eût calmé leur frayeur.

Le lendemain matin, le campement fut levé dès l’aube – à la satisfaction générale, on peut l’affirmer. La veille au soir, le chariot avait été chargé des barils, outils et ustensiles. Comme il devait être plus lourd au retour qu’à l’aller, les guanaques ne pourraient pas le traîner très vite, car le sol montait sensiblement dans la direction du Family-lake.

Au moment du départ, l’air était rempli des cris assourdissants