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deux ans de vacances.

C’était là l’une des plus importantes découvertes que les jeunes colons eussent faites depuis leur installation à French-den. En pratiquant une incision dans le tronc de ces érables, Gordon obtint un liquide, produit par la condensation, et cette sève, en se solidifiant, donna une matière sucrée. Quoique inférieure en qualités saccharifères aux sucs de la canne et de la betterave, cette substance n’en était pas moins précieuse pour les besoins de l’office, et meilleure, en tout cas, que les produits similaires que l’on tire du bouleau à l’époque du printemps.

Si l’on avait le sucre, on ne tarda pas à avoir la liqueur. Sur les conseils de Gordon, Moko essaya de traiter par la fermentation les graines de trulca et d’algarrobe. Après avoir été préalablement écrasées dans une cuve au moyen d’un lourd pilon de bois, ces graines fournirent un liquide alcoolique dont la saveur eût suffi à édulcorer les boissons chaudes, à défaut du sucre d’érable. Quant aux feuilles cueillies sur l’arbre à thé, on reconnut qu’elles valaient presque l’odorante plante chinoise. Aussi, pendant leurs excursions dans la forêt, les explorateurs ne manquèrent-ils jamais d’en faire une abondante récolte.

Bref, l’île Chairman procurait à ses habitants, sinon le superflu, du moins le nécessaire. Ce qui faisait défaut – il y avait lieu de le regretter – c’étaient les légumes frais. On dut se contenter des légumes de conserves, dont il y avait une centaine de boîtes que Gordon ménageait le plus possible. Briant avait bien essayé de cultiver ces ignames revenus à l’état sauvage, et dont le naufragé français avait semé quelques plants au pied de la falaise. Vaine tentative. Par bonheur, le céleri – on ne l’a point oublié – poussait abondamment sur les bords du Family-lake, et, comme il n’y avait pas lieu de l’économiser, il remplaçait les légumes frais, non sans avantage.

Il va de soi que les fleurons, tendus pendant l’hiver sur la rive gauche du rio, avaient été transformés en filets de chasse au retour de la belle saison. On y prit, entre autres volatiles, des perdrix de