En effet, le nandû n’avait absolument rien perdu de son caractère sauvage. Il ne se laissait point approcher, sans se défendre du bec et des pattes, il cherchait à briser les liens qui le tenaient à l’attache, et, s’il y fût parvenu, on l’aurait bientôt perdu sous les arbres de Traps-woods.
Service, cependant, ne se décourageait pas. Il avait naturellement donné au nandû le nom de Brausewind comme l’avait fait pour son autruche maître Jack du Robinson Suisse. Bien qu’il mît un excessif amour-propre à dompter le rétif animal, bons ou mauvais traitements n’y faisaient rien.
« Et pourtant, dit-il un jour, en se reportant au roman de Wyss qu’il ne se lassait pas de relire, Jack est parvenu à faire de son autruche une monture rapide !
— C’est vrai, lui répondit Gordon. Mais, entre ton héros et toi, Service, il y a la même différence qu’entre son autruche et la tienne !
— Laquelle, Gordon ?
— Tout simplement cette différence qui sépare l’imagination de la réalité !
— Qu’importe ! répliqua Service. Je viendrai à bout de mon autruche… ou elle dira pourquoi !
— Eh bien, sur ma parole, répondit Gordon en riant, je serais moins étonné de l’entendre te répondre que de la voir t’obéir ! »
En dépit des plaisanteries de ses camarades, Service était décidé à monter son nandû, dès que le temps le permettrait. Aussi, toujours à l’imitation de son type imaginaire, lui fit-il une sorte de harnais en toile à voile, et un capuchon avec œillères mobiles. Est-ce que Jack ne dirigeait pas sa bête suivant qu’il lui abaissait l’une ou l’autre de ces œillères sur l’œil droit ou sur l’œil gauche ? Et pourquoi donc ce qui avait réussi à ce garçon ne réussirait-il pas à son imitateur ? Service confectionna même un collier de filin qu’il parvint à fixer au cou de l’animal – lequel se serait fort bien passé de cet ornement. Quant au capuchon, il fut impossible de le lui mettre sur la tête.