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deux ans de vacances.

nuages passaient avec une vitesse effrayante. L’ouragan n’avait rien perdu de sa force, et, au large, la mer disparaissait sous l’écume d’une houle déferlante. Le schooner, tantôt enlevé sur une crête de lame, tantôt précipité au fond d’un gouffre, eût vingt fois chaviré s’il eût été pris en travers.

Les quatre jeunes garçons regardaient ce chaos de flots échevelés. Ils sentaient bien que, si l’accalmie tardait à se faire, leur situation serait désespérée. Jamais le Sloughi ne résisterait vingt-quatre heures de plus aux paquets de mer qui finiraient par défoncer les capots.

Ce fut alors que Moko cria :

« Terre !… Terre ! »

À travers une déchirure des brumes, le mousse croyait avoir aperçu les contours d’une côte vers l’est. Ne se trompait-il pas ? Rien de plus difficile à reconnaître que ces vagues linéaments qui se confondent si aisément avec des volutes de nuages.

« Une terre ?… avait répondu Briant.

— Oui… reprit Moko,… une terre… à l’est ! »

Et il indiquait un point de l’horizon que cachait maintenant l’amas des vapeurs.

« Tu es sûr ?… demanda Doniphan.

— Oui !… oui !… certainement !… répondit le mousse. Si le brouillard se déchire encore, regardez bien… là-bas,… un peu à droite du mât de misaine… Tenez… tenez !… »

Les brumes, qui venaient de s’entr’ouvrir, commençaient à se dégager de la mer pour remonter vers de plus hautes zones. Quelques instants après, l’Océan reparut sur un espace de plusieurs milles en avant du yacht.

« Oui !… la terre !… C’est bien la terre !… s’écria Briant.

— Et une terre très basse ! » ajouta Gordon, qui venait d’observer plus attentivement le littoral signalé.

Il n’y avait plus à douter, cette fois. Une terre, continent ou île, se dessinait à cinq ou six milles, dans un large segment de l’horizon.