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deux ans de vacances.

C’est ce qui fut fait en une demi-heure ; puis on se remit en marche.

Le premier mille fut rapidement enlevé. Le sol herbeux ne présentait aucun obstacle. Çà et là, des mousses et des lichens recouvraient de petites tumescences pierreuses. Quelques arbrisseaux se groupaient de loin en loin, suivant leurs espèces : ici des fougères arborescentes ou des lycopodes ; là, des bruyères, des épines-vinettes, des bouquets de houx aux feuilles acérées, ou des touffes de ces « berbéris » à feuilles coriaces qui se multiplient même sous de plus hautes latitudes.

Lorsque Briant et ses camarades eurent franchi le plateau supérieur, ce ne fut pas sans peine qu’ils parvinrent à redescendre le revers opposé de la falaise, presque aussi élevé et aussi droit que du côté de la baie. Sans le lit à demi desséché d’un torrent, dont les sinuosités rachetaient la raideur des pentes, ils auraient été contraints de revenir jusqu’au promontoire.

La forêt une fois atteinte, la marche devint plus pénible sur un sol embarrassé de plantes vigoureuses, hérissé de hautes herbes. Fréquemment, des arbres abattus l’obstruaient, et le fourré était si épais qu’il fallait s’y frayer un chemin. Les jeunes garçons jouaient alors de la hache, comme ces pionniers qui s’aventurent à travers les forêts du Nouveau-Monde. C’étaient, à chaque instant, des arrêts, pendant lesquels les bras se fatiguaient plus que les jambes. De là, bien des retards, et le chemin, parcouru depuis le matin jusqu’au soir ne se chiffrerait certainement pas par plus de trois à quatre milles.

En vérité, il semblait que jamais êtres humains n’eussent pénétré sous le couvert de ces bois. Du moins, on n’en relevait nulle trace. Le plus étroit sentier eût suffi à témoigner de leur passage, et il n’en existait aucun. L’âge ou quelque bourrasque avaient seuls renversé ces arbres, non la main de l’homme. Les herbes, foulées à de certaines places, n’indiquaient qu’une passée récente d’animaux de moyenne taille, dont on vit quelques-uns s’enfuir,