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ce qu’il n’est pas possible d’ignorer, etc..

questions qui touchaient à l’entreprise du Gun-Club ; la lettre de l’Observatoire de Cambridge fut publiée par elles, commentée et approuvée sans réserve.

Bref, il ne fut plus permis, même au moins lettré des Yankees, d’ignorer un seul des faits relatifs à son satellite, ni à la plus bornée des vieilles mistress d’admettre encore de superstitieuses erreurs à son endroit. La science leur arrivait sous toutes les formes ; elle les pénétrait par les yeux et les oreilles ; impossible d’être un âne… en astronomie.

Jusqu’alors, bien des gens ignoraient comment on avait pu calculer la distance qui sépare la Lune de la Terre. On profita de la circonstance pour leur apprendre que cette distance s’obtenait par la mesure de la parallaxe de la Lune. Si le mot parallaxe semblait les étonner, on leur disait que c’était l’angle formé par deux lignes droites menées de chaque extrémité du rayon terrestre jusqu’à la Lune. Doutaient-ils de la perfection de cette méthode, on leur prouvait immédiatement que, non seulement cette distance moyenne était bien de deux cent trente-quatre mille trois cent quarante-sept milles ( — 94,330 lieues), mais encore que les astronomes ne se trompaient pas de soixante-dix milles ( — 30 lieues).

À ceux qui n’étaient pas familiarisés avec les mouvements de la Lune, les journaux démontraient quotidiennement qu’elle possède deux mouvements distincts, le premier dit de rotation sur un axe, le second dit de révolution autour de la Terre, s’accomplissant tous les deux dans un temps égal, soit vingt-sept jours et un tiers[1].

Le mouvement de rotation est celui qui crée le jour et la nuit à la surface de la Lune ; seulement il n’y a qu’un jour, il n’y a qu’une nuit par mois lunaire, et ils durent chacun trois cent cinquante-quatre heures et un tiers. Mais, heureusement pour elle, la face tournée vers le globe terrestre est éclairée par lui avec une intensité égale à la lumière de quatorze Lunes. Quant à l’autre face, toujours invisible, elle a naturellement trois cent cinquante-quatre heures d’une nuit absolue, tempérée seulement par cette « pâle clarté qui tombe des étoiles ». Ce phénomène est uniquement dû à cette particularité que les mouvements de rotation et de révolution s’accomplissent dans un temps rigoureusement égal, phénomène commun, suivant Cassini et Herschel, aux satellites de Jupiter, et très-probablement à tous les autres satellites.

Quelques esprits bien disposés, mais un peu rétifs, ne comprenaient pas tout d’abord que, si la Lune montrait invariablement la même face à la

  1. C’est la durée de la révolution sidérale, c’est-à-dire le temps que la Lune met à revenir à une même étoile.