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le roman de la lune.

Herschel, à la fin du dix-huitième siècle, armé d’un puissant télescope, réduisit singulièrement les mesures précédentes. Il donna dix-neuf cents toises aux montagnes les plus élevées, et ramena la moyenne des différentes hauteurs à quatre cents toises seulement. Mais Herschel se trompait encore, et il fallut les observations de Shrœter, Louville, Halley, Nasmyth, Bianchini, Pastorf, Lohrman, Gruithuysen, et surtout les patientes études de MM. Beer et Mœdeler, pour résoudre définitivement la question. Grâce à ces savants, l’élévation des montagnes de la Lune est parfaitement connue aujourd’hui. MM. Beer et Mœdeler ont mesuré dix-neuf cent cinq hauteurs, dont six sont au-dessus de deux mille six cents toises, et vingt-deux au-dessus de deux mille quatre cents[1]. Leur plus haut sommet domine de trois mille huit cent et une toises la surface du disque lunaire.

En même temps, la reconnaissance de la Lune se complétait ; cet astre apparaissait criblé de cratères, et sa nature essentiellement volcanique s’affirmait à chaque observation. Du défaut de réfraction dans les rayons des planètes occultées par elle, on conclut que l’atmosphère devait presque absolument lui manquer. Cette absence d’air entraînait l’absence d’eau. Il devenait donc manifeste que les Sélénites, pour vivre dans ces conditions, devaient avoir une organisation spéciale et différer singulièrement des habitants de la Terre.

Enfin, grâce aux méthodes nouvelles, les instruments plus perfectionnés fouillèrent la Lune sans relâche, ne laissant pas un point de sa face inexploré, et cependant son diamètre mesure deux mille cent cinquante milles[2], sa surface est la treizième partie de la surface du globe[3], son volume la quarante-neuvième partie du volume du sphéroïde terrestre ; mais aucun de ses secrets ne pouvait échapper à l’œil des astronomes, et ces habiles savants portèrent plus loin encore leurs prodigieuses observations.

Ainsi ils remarquèrent que, pendant la pleine Lune, le disque apparaissait dans certaines parties rayé de lignes blanches, et pendant les phases, rayé de lignes noires. En étudiant avec une plus grande précision, ils parvinrent à se rendre un compte exact de la nature de ces lignes. C’étaient des sillons longs et étroits, creusés entre des bords parallèles, aboutissant généralement aux contours des cratères ; ils avaient une longueur comprise entre dix et cent milles et une largeur de huit cents toises. Les astronomes les appelèrent des rainures, mais tout ce qu’ils su-

  1. La hauteur du mont Blanc au-dessus de la mer est de 4,813 mètres.
  2. Huit cent soixante-neuf lieues, c’est-à-dire un peu plus du quart du rayon terrestre.
  3. Trente-huit millions de kilomètres carrés.