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le passager de l’atlanta.

Barbicane le suivit sans avoir prononcé une parole.

« Vous êtes Barbicane ? lui demanda Michel Ardan, dès qu’ils furent seuls et du ton dont il eût parlé à un ami de vingt ans.

— Oui, répondit le président du Gun-Club.

— Eh bien ! bonjour, Barbicane. Comment cela va-t-il ? Très bien ? Allons tant mieux ! tant mieux !

— Ainsi, dit Barbicane, sans autre entrée en matière, vous êtes décidé à partir ?

— Absolument décidé.

— Rien ne vous arrêtera ?

— Rien. Avez-vous modifié votre projectile ainsi que l’indiquait ma dépêche ?

— J’attendais votre arrivée. Mais, demanda Barbicane en insistant de nouveau, vous avez bien réfléchi ?…

— Réfléchi ! est-ce que j’ai du temps à perdre ? Je trouve l’occasion d’aller faire un tour dans la Lune, j’en profite, et voilà tout. Il me semble que cela ne mérite pas tant de réflexions. »

Barbicane dévorait du regard cet homme qui parlait de son projet de voyage avec une légèreté, une insouciance si complète et une si parfaite absence d’inquiétudes.

« Mais au moins, lui dit-il, vous avez un plan, des moyens d’exécution ?

— Excellents, mon cher Barbicane. Mais permettez-moi de vous faire une observation : j’aime autant raconter mon histoire une bonne fois, à tout le monde, et qu’il n’en soit plus question. Cela évitera des redites. Donc, sauf meilleur avis, convoquez vos amis, vos collègues, toute la ville, toute la Floride, toute l’Amérique, si vous voulez, et demain je serai prêt à développer mes moyens comme à répondre aux objections quelles qu’elles soient. Soyez tranquille, je les attendrai de pied ferme. Cela vous va-t-il ?

— Cela me va », répondit Barbicane.

Sur ce, le président sortit de la cabine et fit part à la foule de la proposition de Michel Ardan. Ses paroles furent accueillies avec des trépignements et des grognements de joie. Cela coupait court à toute difficulté. Le lendemain chacun pourrait contempler à son aise le héros européen. Cependant certains spectateurs des plus entêtés ne voulurent pas quitter le pont de l’Atlanta ; ils passèrent la nuit à bord. Entre autres, J.-T. Maston avait vissé son crochet dans la lisse de la dunette, et il aurait fallu un cabestan pour l’en arracher.

« C’est un héros ! un héros ! s’écriait-il sur tous les tons, et nous ne sommes que des femmelettes auprès de cet Européen-là ! »