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— Je ne le crois pas… ni ce matin… ni plus tard…

— Quoi !… pas même à Palma ?…

— Elle est incapable de se lever.

— La chère femme !… Comme je la plains… et comme je l’admire !… Tout ce bouleversement pour son Agathocle !… Elle a véritablement des entrailles de mère… et un cœur… Mais ne parlons pas de son cœur !… Montez-vous sur la dunette ?…

— Non… je ne le pourrais, Dardentor ! Je préfère rester dans le salon ! C’est plus sûr !… Ah ! quand fabriquera-t-on des bateaux qui ne dansent pas, et pourquoi s’obstiner à faire naviguer de pareilles machines !…

— Il est certain, Désirandelle, que, sur terre, les navires se ficheraient du roulis et du tangage… Nous n’en sommes pas encore là… Cela viendra… cela viendra ! »

Mais, en attendant la réalisation de ce progrès, M. Désirandelle dut se résigner à s’étendre sur un des canapés du salon qu’il ne devait quitter qu’à l’arrivée aux Baléares. Clovis Dardentor, qui l’avait accompagné, lui serra la main, puis, revenant sur le pont, il gravit l’escalier de la dunette, avec l’aplomb d’un vieux loup de mer, le béret crânement rejeté en arrière, la face rayonnante, sa vareuse déployée à la brise comme le pavillon d’un amiral.

Les deux cousins vinrent à lui. De sympathiques salutations furent échangées de part et d’autre, puis des demandes sur les santés réciproques… M. Clovis Dardentor avait-il bien dormi, après les bonnes heures passées à table ?… Parfaitement… un sommeil ininterrompu et réparateur entre les bras de Morphée… ce qu’on appelle : taper des deux yeux !

Oh ! si Patrice eût entendu de telles locutions sortir de la bouche de son maître !…

« Et ces messieurs… avaient-ils parfaitement dormi ?…

— Tout d’un somme, et même comme une paire de sabots ! répondit Jean Taconnat, qui désirait se tenir au diapason de Clovis Dardentor.