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Et, à entendre cette qualification aussi saugrenue que prématurée, Marcel Lornans ne put se garder d’un magnifique éclat de rire.

Cependant, d’un pas mesuré, la figure sévère, la physionomie désapprobative, Patrice, assez mal disposé à recevoir les ordres de son maître, s’avança vers M. Dardentor.

« Ah ! c’est toi, Patrice… c’est toi qui es venu me réveiller en plein sommeil, lorsque je me berçais dans des rêves dorés sur tranche ?…

— Monsieur conviendra que mon devoir…

— Ton devoir était d’attendre que je t’eusse sonné.

— Monsieur se croit sans doute à Perpignan, dans sa maison de la place de la Loge…

— Je me crois où je suis, répliqua M. Dardentor, et si j’avais eu besoin de toi, on serait venu te chercher de ma part… espèce de réveille-matin mal remonté ! »

La face de Patrice se contracta légèrement, et il dit d’un ton grave :

« Je préfère ne pas entendre monsieur, lorsque monsieur exprime sa pensée fort désobligeante en de pareils termes. En outre, je ferai observer à monsieur que le béret dont il a cru devoir se coiffer ne me paraît pas convenable pour un passager de première classe. »

Et, en effet, le béret, posé en arrière sur la nuque de Clovis Dardentor, manquait de distinction.

« Ainsi, mon béret ne te plaît pas, Patrice ?…

— Pas plus que la vareuse dont monsieur s’est affublé, sous prétexte qu’il faut avoir l’air marin, lorsqu’on navigue !

— Vraiment !

— Si j’avais été reçu par monsieur, j’eusse certainement empêché monsieur de se vêtir de la sorte.

— Tu m’aurais empêché, Patrice ?…

— J’ai l’habitude de ne point cacher mon opinion à monsieur, même quand cela doit le contrarier, et ce que je fais à Perpignan, dans la maison de monsieur, il est naturel que je le fasse à bord de ce paquebot.

— Quand il vous conviendra d’avoir fini, monsieur Patrice ?…