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le malencontreux conseilleur, et il lui donnait ces traditionnels huit jours dont le huitième n’arrivait jamais.

Au fond, si Patrice était marri d’être au service d’un maître si peu gentleman, Clovis Dardentor était fier d’avoir un serviteur si distingué.

Or, ce jour-là, Patrice n’avait pas lieu d’être satisfait. Il tenait du maître d’hôtel que, pendant le dîner de la veille, M. Clovis Dardentor s’était abandonné à de regrettables intempérances de langage, qu’il avait parlé à tort et à travers, laissant ainsi aux convives une piètre idée d’un natif des Pyrénées-Orientales.

Non ! Patrice n’était pas content, et il entendait ne point le cacher. C’est pourquoi, d’assez bonne heure, avant d’avoir été appelé, il s’était permis de frapper à la porte de la cabine 13.

À un premier coup sans réponse, succéda un second coup plus accentué.

« Qui est là ?… grogna une voix brouillée de sommeil.

— Patrice…

— Va-t’en au diable ! »

Sans aller où on l’envoyait, Patrice s’était aussitôt retiré, très froissé de cette réponse peu parlementaire, à laquelle, pourtant, il aurait dû être habitué.

« Je ne ferai jamais rien d’un pareil homme ! » avait-il murmuré en obéissant.

Et, toujours digne, toujours noble, toujours « lord anglais », il était revenu sur le pont afin d’y attendre patiemment l’apparition de son maître.

L’attente dura une grande heure, car M. Dardentor n’éprouvait aucune hâte de quitter son cadre. Enfin la porte de la cabine cria, puis la porte de la dunette s’ouvrit et livra passage au principal personnage de cette histoire.

À ce moment, Jean Taconnat et Marcel Lornans, appuyés sur la rambarde, l’aperçurent.

« Fixe !… notre père ! » dit Jean Taconnat.