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— Si nous nous faisions adopter par ce bonhomme-là !…

— Nous ?…

— Toi et moi… ou bien toi ou moi !…

— Tu es fou, Jean !…

— La nuit porte conseil, Marcel, et, de quel conseil elle m’aura favorisé, je te le dirai demain ! »

V

Dans lequel Patrice continue à trouver que son maître manque parfois de distinction.

Le lendemain, à huit heures, il n’y avait encore personne sur la dunette. L’état de la mer n’était point cependant pour obliger les passagers à se chambrer dans leurs cabines. À peine les courtes houles méditerranéennes imprimaient-elles un faible balancement à l’Argèlès. À cette paisible nuit allait succéder une journée splendide. Si donc les passagers n’avaient point quitté leur cadre au lever du soleil, c’est que la paresse les y retenait, les uns sous l’empire d’un reste de sommeil, les autres rêvassant tout éveillés, ceux-ci comme ceux-là s’abandonnant à ce roulis de l’enfant dans son berceau.

Il ne s’agit ici que de ces privilégiés qui ne sont jamais malades en mer, même par mauvais temps, et non de ces malchanceux qui le sont toujours, même par beau temps. À ranger dans cette dernière catégorie les Désirandelle et nombre d’autres, qui ne recouvreraient leur aplomb moral et physique qu’au mouillage du paquebot dans le port.

L’atmosphère, très claire et très pure, s’échauffait de rayons lumineux que réverbérait le léger clapotis à la surface des eaux. L’Argèlès marchait à une vitesse de dix milles à l’heure, cap au sud-sud-