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Et les verres se choquèrent encore une fois.

Ce que les convives attablés dans la salle à manger de l’Argèlès auraient perdu s’ils n’eussent entendu l’expansif Perpignanais lancer la dernière phrase de sa tirade, impossible de s’en faire une idée ! Il avait été magnifique !

« Cependant, crut devoir ajouter le capitaine Bugarach, que votre méthode ait du bon, mon cher passager, soit ! Mais si tout le monde s’y conformait, s’il n’y avait que des pères adoptifs, songez-y, il n’y aurait bientôt plus d’enfants à adopter…

— Non point, mon capitaine, non point ! répondit Clovis Dardentor. Il ne manquera jamais de braves gens pour se marier… Des milliers et des millions…

— Ce qui est heureux, conclut le docteur Bruno, faute de quoi le monde ne tarderait pas à finir ! »

Et la conversation de se poursuivre de plus belle, sans être parvenue à distraire ni M. Eustache Oriental, dégustant son café à l’autre bout de la table, ni Agathocle Désirandelle, pillant les assiettes du dessert.

C’est alors que Marcel Lornans, se remémorant un certain titre VIII du code civil, amena la question sur le terrain du droit.

« Monsieur Dardentor, dit-il, lorsque l’on veut adopter quelqu’un, il est indispensable de remplir certaines conditions.

— Je ne l’ignore pas, monsieur Lornans, et m’est avis que j’en remplis déjà quelques-unes.

— En effet, répliqua Marcel Lornans, et, tout d’abord, vous êtes Français de l’un ou l’autre sexe…

— Plus particulièrement du sexe masculin, si vous voulez bien m’en croire, messieurs.

— Nous vous croyons sur parole, affirma Jean Taconnat, et sans en être autrement surpris.

— En outre, reprit Marcel Lornans, la loi oblige la personne qui veut adopter à n’avoir ni enfants ni descendants légitimes.

— C’est précisément mon cas, monsieur le juriste, répondit Clovis Dardentor, et j’ajoute que je n’ai point d’ascendants…