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sur une grève, et que M. Désirandelle, en dépit de ses prétentions, n’eût pas le cœur plus solide. C’est alors qu’on songea à Clovis Dardentor. Ce Perpignanais avait l’habitude des voyages. Il ne refusait pas d’accompagner ses amis. Peut-être ne se faisait-il pas d’illusion sur la valeur de ce garçon qu’on voulait marier. Mais, à son avis, quand il s’agit de se transformer en mari, tous les hommes se valent. Si Agathocle plaisait à la jeune héritière, cela irait tout seul. Il est vrai, Louise Elissane était charmante… Bref, lorsque les Désirandelle auront débarqué à Oran, il sera temps de la présenter au lecteur, et libre à lui de se mettre sur les rangs pour évincer Agathocle.

On sait maintenant à quel propos ce groupe perpignanais avait pris passage sur l’Argèlès et pourquoi il affrontait une traversée méditerranéenne.

En attendant l’heure du dîner, Clovis Dardentor monta sur la dunette où se trouvaient ceux des voyageurs de première classe que le roulis n’avait pas encore renvoyés dans leurs cabines. M. Désirandelle, dont la pâleur augmentait, l’y suivit et vint s’affaler sur un banc.

Agathocle s’approcha.

« Eh ! mon garçon, tu as meilleure bobine que ton père ! dit M. Dardentor. Ça boulote ?… »

Agathocle répondit que « ça boulotait ».

« Tant mieux, et tâche d’aller jusqu’au bout du bout ! Ne va pas déballer là-bas avec une physionomie de papier mâché ou une mine de citrouille en marmelade ! »

Non !… Pas à craindre, cela !… La mer ne lui faisait rien, à ce garçon.

Clovis Dardentor n’avait pas jugé opportun de descendre à la cabine de Mme  Désirandelle. La bonne dame savait qu’il était à bord, cela suffisait. Les consolations qu’il lui eût apportées n’auraient produit aucun effet salutaire. Et puis, M. Dardentor appartenait à cette catégorie de gens abominables, toujours enclins à plaisanter les victimes du mal de mer. Sous prétexte qu’ils ne l’ont pas, ils ne