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Ayant fait l’honneur à l’un de ses paquebots de lui confier le transport de sa personne, il importait que ce voyage lui donnât toute satisfaction, en d’autres termes qu’il fût conduit à bon port, après une traversée aussi courte qu’heureuse.

Dès qu’il eut mis le pied sur le pont, Clovis Dardentor se retourna vers son domestique :

« Patrice, va t’assurer de la cabine 13, » dit-il.

Et Patrice de répondre :

« Monsieur sait qu’elle a été retenue par dépêche, et il ne doit concevoir aucune inquiétude à ce sujet.

— Eh bien ! descends-y ma valise et choisis-moi une place à table aussi bonne que possible… pas trop loin du capitaine. J’ai déjà l’estomac dans les pattes ! »

Cette locution sembla sans doute à Patrice médiocrement distinguée, et peut-être aurait-il préféré que son maître eût dit « dans les talons », car une moue désapprobatrice se dessina sur ses lèvres. Quoi qu’il en soit, il se dirigea vers la dunette.

En ce moment, Clovis Dardentor aperçut le commandant de l’Argèlès qui venait de quitter la passerelle, et il l’aborda sans façon en ces termes :

« Hé ! hé ! capitaine, comment n’avez-vous pas eu la patience d’attendre un de vos passagers en retard ?… Sa machine lui démangeait donc, à votre paquebot, qu’il lui tardait de se gratter avec son hélice ? »

Cette métaphore n’a rien de très maritime, mais Clovis Dardentor n’était pas marin, et, dans son langage imagé, il disait les choses comme elles lui venaient, en phrases tantôt abominablement pompeuses, tantôt regrettablement vulgaires.

« Monsieur, répondit le capitaine Bugarach, nos départs ont lieu à heure fixe, et les règlements de la compagnie ne nous permettent pas d’attendre…

— Oh ! je ne vous en veux pas ! répliqua Clovis Dardentor en tendant la main au capitaine.