se modifiait, ils en seraient quittes pour regagner Paris, où ils choisiraient une autre carrière. Aussi, puisque, dans ce cas, leur voyage aurait été inutile, Jean Taconnat jugea qu’il devrait être « circulaire ». Et qu’entendait-il par ce mot dont Marcel Lornans ne comprit pas tout d’abord la signification ?…
« J’entends, répliqua-t-il, que mieux vaut profiter de cette occasion pour voir du pays.
— Et comment ?…
— En allant par une route et en revenant par une autre. Cela ne coûtera pas beaucoup plus cher, et cela sera infiniment plus agréable ! Par exemple, on irait s’embarquer à Cette pour Oran, puis on irait à Alger prendre le bateau de Marseille…
— C’est une idée…
— Excellente, Marcel, et ce sont tout simplement Thalès, Pittacus, Bias, Cléobule, Périandre, Chilon, Solon, qui parlent par ma bouche ! »
Marcel Lornans ne se fût pas permis de discuter une résolution si indubitablement dictée par les sept sages de la Grèce, et voilà pourquoi, à cette date du 27 avril, les deux cousins se trouvaient à bord de l’Argèlès.
Marcel Lornans avait vingt-deux ans, et Jean Taconnat quelques mois de moins. Le premier, d’une taille au-dessus de la moyenne, était plus grand que le second, — une différence de deux à trois centimètres seulement, — mais de tournure élégante, la figure aimable, les yeux un peu voilés, empreints d’une profonde douceur, la barbe blonde, tout disposé à la sacrifier pour se conformer à l’ordonnance.
Si Jean Taconnat ne possédait pas les qualités extérieures de son cousin, s’il ne représentait pas comme lui ce que, dans le monde bourgeois, on appelle un « beau cavalier », il ne faudrait pas croire qu’il ne fût agréable de sa personne, — un brun bien campé, la moustache en croc, la physionomie pétillante, les yeux d’une vivacité singulière, l’attitude gracieuse, et l’air si bon enfant !