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congé, ils eussent attrapé quelques consignes, — on est mal vu au corps, paraît-il, quand on n’en attrape jamais, — ils n’en sortirent pas moins du régiment avec la note « bien ».

De retour à la maison maternelle, Marcel Lornans et Jean Taconnat, âgés de vingt et un ans, comprirent que l’heure était venue de se mettre au travail. D’accord avec leurs mères, il fut décidé que tous deux entreraient dans une maison de commerce de toute confiance. Là ils s’initieraient à la pratique des affaires, et prendraient plus tard un intérêt dans cette maison.

Mmes  Lornans et Taconnat encourageaient leurs enfants à chercher la fortune sur cette voie. C’était l’avenir assuré pour ces deux fils qu’elles chérissaient. Elles se réjouissaient à la pensée que, dans quelques années, ils seraient établis, qu’ils se marieraient convenablement, que de simples employés ils deviendraient associés, puis patrons, quoique jeunes encore, que leur commerce prospérerait, que le nom honorable des grands-pères se continuerait dans les petits-enfants, etc., etc., enfin, ces rêves que font toutes les mères, et qui leur viennent du cœur.

Ces rêves, elles ne devaient pas en voir la réalisation. Quelques mois après leur retour du régiment, avant qu’ils fussent entrés dans la maison où ils voulaient débuter, un double malheur frappa les deux cousins dans leur plus profonde affection.

Une maladie épidémique, qui éprouva les quartiers du centre à Paris, emporta Mme  Lornans et Mme  Taconnat à quelques semaines d’intervalle.

Quelle douleur pour ces jeunes gens, atteints du même coup de foudre, la famille réduite maintenant à eux seuls ! Ils furent atterrés, ne pouvant croire à la réalité d’un tel malheur !

Il fallait cependant songer à l’avenir. Ils héritaient chacun d’une centaine de mille francs, c’est-à-dire, avec la baisse de l’intérêt de l’argent, quelque chose comme trois mille à trois mille cinq cents francs de rente. Ce médiocre revenu ne permet guère de rester un inutile et un oisif. Ils ne l’eussent pas voulu, d’ailleurs. Mais conve-