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faire usage de son arme, roulé à terre, risquait d’être écrasé sous le poids de la bête…

Jean Taconnat courut vers lui, à trois pas du lion, — et, soyez sûr qu’il ne songeait guère aux conditions imposées par le Code civil pour l’adoption, — il pressa la gâchette de son revolver, dont le dernier coup rata…

À cet instant, les chevaux et les attelages, au paroxysme de l’épouvante, rompant leurs entraves, s’enfuirent à travers la campagne. Moktani, dans l’impossibilité d’utiliser son arme, s’était traîné jusqu’au talus, tandis que M. Désirandelle, M. Oriental et Agathocle se tenaient devant les dames…

Clovis Dardentor n’avait pu se relever, et la patte du lion allait s’abattre sur sa poitrine, lorsqu’un coup de feu éclata…

L’énorme fauve, le crâne perforé, rejeta la tête en arrière, et retomba mort à côté du Perpignanais…

C’était Louise Elissane qui, après avoir ramassé le revolver de Moktani, avait tiré à bout portant sur l’animal…

« Sauvé… sauvé par elle !… s’écria M. Dardentor, et ils n’étaient pas en peau de mouton, et ils n’avaient pas de roulettes aux pattes, ces lions-là ! »

Puis il se releva d’un bond que n’eût pas désavoué ce roi des animaux étendu sur le sol.

Ainsi, ce que n’avaient pu faire ni Jean Taconnat ni Marcel Lornans, cette jeune fille venait de le faire, elle ! Il est vrai, ses forces l’abandonnèrent soudain et, prise de faiblesse, elle fût tombée, si Marcel Lornans ne l’eût reçue dans ses bras pour la rapporter à sa mère.

Tout danger avait disparu, et qu’aurait pu dire M. Dardentor de plus que les premiers mots qui lui étaient partis du cœur à l’adresse de Louise Elissane ?…

Aussi, aidé des indigènes, notre Perpignanais s’occupa-t-il avec Patrice de rattraper les mules et les chevaux en fuite. Il y réussit en peu de temps, car ces animaux, calmés après la mort des fauves, revinrent d’eux-mêmes sur la route.