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s’il ne s’agissait de notre fils… du bonheur et de l’avenir d’Agathocle ! »

Son avenir et son bonheur préoccupaient-ils à ce point ce garçon si nul, ce minus habens ?… Il n’y avait pas lieu de le supposer, à le voir si indifférent au trouble physique et moral de ses père et mère.

Quant à Mme  Désirandelle, elle n’eut plus que la force d’exhaler ces mots, entrecoupés de gémissements :

« Ma cabine… ma cabine ! »

La passerelle de l’appontement venait d’être retirée sur le quai par les hommes de service. Son avant écarté du parapet, le paquebot prit un peu de tour pour se mettre en direction de la passe. L’hélice patouillait à petits coups, provoquant un remous blanchâtre à la surface du vieux bassin. Le sifflet lançait ses notes aiguës, afin de dégager la sortie, prévoyant le cas où quelque navire se fût présenté du dehors.

Une dernière fois, M. Désirandelle promena un regard désespéré sur les gens qui assistaient au départ du paquebot, puis jusqu’à l’extrémité de la jetée de Perpignan par laquelle eût pu accourir le retardataire… Avec une embarcation, il aurait encore eu le temps de regagner l’Argèlès

« Ma cabine… ma cabine ! » murmurait Mme  Désirandelle d’une voix défaillante.

M. Désirandelle, très vexé du contretemps, très ennuyé du tapage, aurait volontiers envoyé promener M. Dardentor et Mme  Désirandelle. Mais le plus pressé était de réintégrer celle-ci dans la cabine qu’elle n’aurait pas dû quitter. Il essaya de la relever du banc sur lequel elle gisait affalée. Cela fait, il la prit par la taille, et, avec l’aide d’une des femmes de chambre, il la fit descendre de la dunette sur le pont. Après l’avoir traînée à travers la salle à manger jusqu’à sa cabine, on la déshabilla, on la coucha, on la roula dans ses couvertures, afin de rétablir chez elle la chaleur vitale à demi éteinte.

Puis, cette pénible opération achevée, M. Désirandelle remonta