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nait M. Oriental, Agathocle, fatigué de son peu accommodant mulet, deux indigènes pour le service, les bagages et les provisions de réserve. En somme, il ne s’agissait plus que d’un déjeuner entre Tlemcen et le village de Lamoricière, où l’on ferait halte pour la nuit, et, le lendemain, d’un déjeuner entre Lamoricière et Sidi-bel-Abbès, où le guide comptait arriver vers huit heures du soir. Là s’achèverait le voyage en caravane, et le chemin de fer ramènerait à Oran l’avant-garde des excursionnistes.

Il va sans dire que M. Dardentor et Moktani ne s’étaient point séparés de leurs méharis, excellentes bêtes dont ils n’avaient pas à se plaindre, ni les deux Parisiens de leurs chevaux qu’ils ne quitteraient pas sans regrets.

Entre Tlemcen et Sidi-bel-Abbès, une route nationale traverse cette partie de l’arrondissement et rejoint au Tlélat celle qui met Oran en communication avec Alger. De Tlemcen à Sidi-bel-Abbès, la distance est de quatre-vingt-douze kilomètres, qui peuvent aisément se franchir en deux jours.

La caravane cheminait donc à travers un pays plus varié que la région sud-oranaise de Saïda à Sebdou. Moins de forêts, mais de vastes exploitations agricoles, des terrains de colonisation, et le capricieux réseau des affluents du Chouly et de l’Isser. C’est un des grands fleuves de l’Algérie, ce dernier, c’est l’artère vivifiante dont le cours de deux cents kilomètres se poursuit jusqu’à la mer, en suivant une vallée où les cotonniers prospèrent, grâce aux déversements des Hauts-Plateaux et du Tell.

Mais quel changement dans le moral de ces touristes, si unis au départ d’Oran en chemin de fer, et au départ de Saïda en caravane ! Une manifeste froideur glaçait leurs rapports. Les Désirandelle et Mme Elissane causaient à part dans leur char à bancs, et Louise devait entendre des choses peu faites pour lui plaire. Marcel Lornans et Jean Taconnat, s’abandonnant à leurs tristes pensées, marchaient en arrière du Perpignanais, lui répondant à peine, lorsqu’il s’arrêtait pour les attendre.