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voyage, et il est regrettable qu’on ne puisse l’abréger… Mme  Elissane et Mlle  Louise de même que nous, auraient… »

Avant que la phrase eût été achevée, Marcel Lornans avait regardé la jeune fille qui avait regardé le jeune homme. Cette fois, M. Dardentor dut se dire : « Ça y est ! » Et, se rappelant cette délicieuse pensée du poète, que « Dieu a donné à la femme la bouche pour parler et les yeux pour répondre », il se demanda quelle réponse avaient faite les yeux de Louise.

« Mille et mille diables !… » murmura-t-il.

Puis :

« Que voulez-vous, mes amis, le chemin de fer ne fonctionne pas encore, et pas moyen de disloquer la caravane !

— Ne pourrait-on partir aujourd’hui même ?… reprit Mme  Désirandelle.

— Aujourd’hui ! s’exclama M. Dardentor. Filer sans avoir visité cette magnifique Tlemcen, ses entrepôts, sa citadelle, ses synagogues, ses mosquées, ses promenades, ses environs, toutes les merveilles que m’a signalées notre guide ?… C’est à peine si deux jours suffiraient…

— Ces dames sont trop fatiguées pour entreprendre cette excursion, Dardentor, répondit froidement M. Désirandelle, et je leur tiendrai compagnie. Un tour dans la ville, c’est tout ce que nous ferons !… Libre à vous… avec ces messieurs… que vous avez sauvés du tourbillon des flots et des flammes… de visiter à fond… cette magnifique Tlemcen !… Quoi qu’il arrive, n’est-ce pas, il est convenu que nous partirons demain, dès la première heure ! »

C’était formel, et Clovis Dardentor, un peu estomaqué des railleries de M. Désirandelle, vit se rembrunir à la fois les visages de Marcel Lornans et de Louise Elissane. Sentant, d’ailleurs, qu’il ne fallait point insister, il quitta ces dames, après avoir lancé un dernier regard à la jeune fille attristée :

« Venez-vous, Marcel, venez-vous, Jean ?… proposa-t-il.

— Nous vous suivons, répondit l’un.