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Le guide prit la tête, suivi de l’agent Derivas et de Clovis Dardentor. Du haut de sa gigantesque monture, celui-ci dominait la surface de la rivière, semblable à un monstre aquatique de l’époque antédiluvienne.

Des deux côtés du char à bancs, dans lequel les dames étaient assises, chevauchaient Marcel Lornans à gauche, Jean Taconnat à droite. Suivaient les deux autres voitures que les touristes n’avaient pas quittées. Les indigènes, montés dans le chariot, formaient l’arrière de la caravane.

Il faut dire que, sur la volonté de sa mère expressément formulée, Agathocle avait dû abandonner son mulet et se hisser dans le chariot. Mme Désirandelle ne voulait pas que son fils fût exposé au désagrément d’un bain forcé dans le Sâr, au cas que le récalcitrant animal se fût livré à quelque fantaisie cabriolante dont son cavalier eût été victime assurément.

Les choses allèrent sans encombre dans la direction que tenait Moktani. Comme le lit s’approfondissait graduellement, les attelages s’enfonçaient au fur et à mesure. Toutefois l’eau ne leur monta pas jusqu’au ventre, même lorsqu’ils eurent atteint le milieu de l’oued. Si les cavaliers relevaient leurs jambes, M. Dardentor et le guide, perchés sur les méharis, n’avaient point à prendre cette précaution.

La moitié de la distance avait donc été franchie, lorsqu’un cri se fit entendre.

Ce cri, c’était Louise Elissane qui l’avait jeté en voyant disparaître Jean Taconnat, dont le cheval venait de manquer des quatre pieds à la fois.

En effet, sur la droite du gué se creusait une dépression, profonde de cinq à six mètres, que le guide eût dû éviter en se tenant plus en amont.

Au cri de Mlle Elissane, la caravane s’arrêta.

Jean Taconnat, bon nageur, n’aurait couru aucun danger, s’il se fût dégagé des étriers. Mais, surpris par la chute, il n’en eut pas le temps, et fut renversé contre le flanc de son cheval, qui se débattait avec violence.