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Tracé du nord au sud à travers la province, en desservant les immenses territoires où se récolte l’alfa, il se prolongera jusqu’à Aïn-Safra, presque à la frontière marocaine.

Les touristes durent donc changer de train à cette petite station, et, vingt et un kilomètres plus loin, s’arrêter à la halte de Crève-Cœur.

En effet, la ligne d’Arzeu à Saïda laisse Mascara sur la gauche. Or, « brûler », comme on dit, ce chef-lieu d’arrondissement, peut-être cela eût-il correspondu à l’état d’âme de Jean Taconnat, en quête d’incendies. Mais Clovis Dardentor aurait protesté de la belle façon, car le programme circulaire comprenait Mascara. Aussi, pour les vingt kilomètres qu’il y avait à franchir, des véhicules réquisitionnés par la compagnie se tenaient-ils devant la gare, à la disposition de sa clientèle.

Le même omnibus reçut la société Dardentor, et le hasard, qui est un malin arrangeur de choses, fit que Marcel Lornans se trouva placé près de Louise Elissane. Non ! jamais vingt kilomètres ne lui parurent si courts ! Et, pourtant, l’omnibus avait marché lentement, attendu que la route s’élève jusqu’à la cote de cent trente-cinq mètres au-dessus du niveau de la mer.

Enfin, court ou non, le dernier kilomètre s’acheva vers trois heures et demie. Conformément au plan adopté, on devait passer à Mascara la soirée du 11, puis la nuit, puis la journée du 12 et partir pour Saïda.

« Pourquoi ne prendrions-nous pas le train dès ce soir ?… demanda Mme  Elissane.

— Oh ! chère excellente dame, répondit M. Dardentor, vous ne le voudriez pas, et si vous le vouliez, si j’avais la faiblesse de vous obéir, vous me le reprocheriez toute ma vie…

— Mère, dit Louise en riant, peux-tu exposer M. Dardentor à encourir de si longs reproches ?…

— Et si justifiés ? ajouta Marcel Lornans, dont l’intervention parut plaire à Mlle  Elissane.

— Oui… justifiés, reprit M. Dardentor, car Mascara est une des