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L’ancien bassin fut atteint après un assez court trajet. Les voyageurs du train, à même destination que les deux jeunes gens, se trouvaient déjà rassemblés. Nombre de ces curieux qu’attire toujours un navire en partance attendaient sur le quai, et il n’eût pas été exagéré d’en porter le chiffre à une centaine pour une population de trente-six mille habitants.

Cette possède un service régulier de paquebots sur Alger, Oran, Marseille, Nice, Gênes, Barcelone. Les passagers nous paraissent mieux avisés en accordant la préférence à une traversée que favorise l’abri de la côte d’Espagne et de l’archipel des Baléares dans l’ouest de la Méditerranée. Une cinquantaine, ce jour-là, allaient prendre passage sur l’Argèlès, navire de dimensions modestes, — huit cents à neuf cents tonneaux, — qui offrait toutes garanties désirables sous le commandement du capitaine Bugarach.

L’Argèlès, ses premiers feux allumés, sa cheminée expectorant un tourbillon de fumée noirâtre, était amarré à l’intérieur du vieux bassin, le long de la jetée de Frontignan à l’est. Au nord se dessine, dans sa forme triangulaire, le nouveau bassin auquel vient aboutir le canal maritime. À l’opposé est établie la batterie circulaire qui défend le port et le môle Saint-Louis. Entre ce môle et le musoir de la jetée de Frontignan, une passe, d’un abord assez facile, donne accès dans le vieux bassin.

C’était par la jetée que les passagers embarquaient sur l’Argèlès, tandis que le capitaine Bugarach surveillait en personne l’arrimage des colis sous les prélarts du pont. La cale, encombrée, n’offrait plus une place vide, avec sa cargaison de houille, de merrains, d’huiles, de salaisons, et de ces vins coupés, que Cette fabrique dans ses entrepôts, source d’une exportation considérable.

Quelques vieux marins, — de ces faces tannées par les brises, les yeux brillants sous d’épais sourcils en broussaille, les oreilles à gros ourlet rouge, se balançant sur les hanches comme secoués d’un roulis perpétuel, — causaient à travers les fumées de leurs pipes. Ce qu’ils disaient ne pouvait qu’être agréable à ceux de ces passagers