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Quel contraste chez ce Perpignanais ! Voilà des sentiments exprimés dans une bonne langue. Il était regrettable que Patrice n’eût pas été là pour l’entendre.

Les deux jeunes gens s’inclinèrent devant Mme  Elissane qui leur rendit un salut discret.

« Madame, dit Marcel Lornans, nous sommes très sensibles à cette attention de M. Dardentor… Nous avons pu l’apprécier comme il le méritait… Nous croyons aussi à la durée d’une amitié…

— Paternelle de sa part et filiale de la nôtre ! » ajouta Jean Taconnat.

Mme  Désirandelle, ennuyée de toutes ces politesses, regardait son fils, lequel n’avait pas encore desserré les lèvres. Du reste, Mme  Elissane, qui aurait peut-être dû dire à ces jeunes Parisiens qu’elle les recevrait avec plaisir pendant leur séjour à Oran, ne le fit pas, — ce dont la mère d’Agathocle lui sut gré in petto. Dans leur instinct maternel, ces deux dames ne se disaient-elles pas que mieux valait garder une prudente réserve à l’égard de ces étrangers.

Mme  Elissane prévint alors M. Dardentor que son couvert était mis, chez elle, et qu’elle serait heureuse de l’avoir à dîner dès ce premier jour avec la famille Désirandelle.

« Le temps de me faire conduire à l’hôtel, répondit le Perpignanais, d’y fabriquer un bout de toilette, de changer mon veston et mon béret de marin pour une tenue plus convenable, et j’irai manger votre soupe, chère madame ! »

Ceci convenu, Clovis Dardentor, Jean Taconnat et Marcel Lornans prirent congé du capitaine Bugarach et du docteur Bruno. Si jamais ils devaient se rembarquer sur l’Argèlès, ce serait une vive satisfaction pour eux d’y retrouver cet aimable docteur et cet attentionné commandant. Ceux-ci répondirent qu’ils avaient rarement rencontré des passagers plus agréables, et l’on se sépara très satisfaits les uns des autres.

M. Eustache Oriental avait déjà mis pied sur le sol africain, sa longue-vue au dos dans un étui de cuir, son sac de voyage à la main,