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— Eh ! répondit le guide, très fourni d’anecdotes, c’est précisément ce qui est arrivé à l’un de vos compatriotes, messieurs, un peu malgré lui, par exemple…

— Qui se nommait ?… demanda Marcel Lornans.

— François Arago.

— Arago… Arago… s’écria Clovis Dardentor, l’une des gloires de la France savante ! »

Effectivement, l’illustre astronome était venu en 1808 aux Baléares, dans le but de compléter la mesure d’un arc du méridien entre Dunkerque et Formentera. Suspecté par la population majorquaine, menacé même de mort, il fut emprisonné dans le château de Bellver pendant deux mois. Et combien de temps eût duré son emprisonnement, s’il n’avait réussi à s’échapper par une des fenêtres du castillo, puis à fréter une barque qui le conduisit à Alger.

« Arago, répétait Clovis Dardentor, Arago, le célèbre enfant d’Estagel, le glorieux fils de l’arrondissement de mon Perpignan, de mes Pyrénées-Orientales ! »

Cependant l’heure pressait de quitter cette plate-forme d’où, comme de la nacelle d’un aérostat, on dominait ce pays incomparable. Clovis Dardentor ne pouvait s’arracher à ce spectacle. Il allait, venait, se penchait sur le parapet de la tour.

« Eh ! prenez garde, lui cria Jean Taconnat, en le retenant par le collet de son veston.

— Prendre garde ?…

— Sans doute… un peu plus, vous alliez tomber !… À quoi bon nous causer cette frayeur… »

Frayeur très légitime, car si le digne homme eût culbuté par-dessus le parapet, Jean Taconnat n’aurait pu qu’assister, sans être en mesure de lui porter secours, à la chute de son père adoptif dans les profondeurs de la douve.

En somme, ce qu’il y avait de regrettable, c’était que le temps, trop parcimonieusement compté, ne permît pas d’organiser la complète exploration de cette admirable Majorque. Il ne suffit pas d’avoir