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À ces plantations de saksaouls, les ingénieurs de la ligne ont joint, en divers endroits, certains revêtements de terre glaise pilonnée, et, le long des parties les plus menacées d’envahissement, une ligne de palissades.

Utiles précautions, sans doute. Néanmoins, si la voie est protégée, les voyageurs ne le sont guère, lorsque le sable vole comme une mitraille, et que le vent soulève sur la plaine des efflorescences blanchâtres de sel. Il y a de bon que nous ne sommes pas à l’époque des extrêmes chaleurs, et ce n’est ni en juin, ni en juillet, ni en août, que je conseillerai de prendre le Grand-Transasiatique.

J’ai un vif regret que le major Noltitz n’ait pas la pensée de venir respirer le bon air du Kara-Koum sur la passerelle. Je lui eusse offert un de ces londrès de choix dont ma sacoche est largement approvisionnée. Il m’eût dit si ces stations que je relève sur l’indicateur, Balla-Ischem, Aïdine, Péréval, Kansandjik, Ouchak, sont des points intéressants du railway — ce qui n’apparaît guère. Mais je ne puis me permettre de déranger sa sieste. Et pourtant, combien cette conversation aurait été intéressante, puisque ses fonctions de médecin de l’armée russe lui ont permis de prendre part à la campagne des généraux Skobeleff et Annenkof. Lorsque notre train « brûle » les petites stations qu’il n’honore que d’un coup de sifflet au passage, le major m’eût dit si telle ou telle n’avait point été le théâtre de faits de guerre. Je me serais autorisé de ma qualité de Français pour l’interroger sur cette expédition des Russes à travers le Turkestan, et, je n’en doute pas, mon compagnon de route se fût empressé de me satisfaire. Je ne puis sérieusement compter que sur lui… ou sur Popof.

Au fait, pourquoi Popof n’est-il pas dans sa logette ? Lui, non plus, ne serait pas insensible aux charmes d’un cigare. Il me semble que son colloque avec le mécanicien n’en finit pas…

Enfin le voici qui reparaît à l’avant du fourgon de bagages, il le traverse, il en sort, il en referme la porte, il s’arrête un instant sur la plate-forme, il va rentrer… Une main, qui tient un cigare, se tend