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à tel point réfractaires à la végétation, et, paraît-il, leur étendue, au delà d’Ouzoun-Ada, dépasse deux cent soixante kilomètres. Lorsque le général Annenkof commença ses travaux à Mikhaïlov, il en fut réduit à distiller l’eau de la Caspienne, comme on fait à bord des navires au moyen d’appareils ad hoc. Mais, si l’eau est nécessaire pour produire la vapeur, le charbon est nécessaire pour vaporiser l’eau. Les lecteurs du XXe Siècle se demanderont donc comment on parvient à chauffer les machines en un pays où il n’y a pas un morceau de charbon à extraire ni un morceau de bois à couper. Est-ce qu’il y a des dépôts de ces matières dans les principales stations du Transcaspien ?…

Nullement. On s’est contenté de mettre en pratique une idée qu’avait eue notre grand chimiste, Sainte-Claire Deville, aux premiers temps de l’emploi du pétrole en France.

Les foyers des machines sont alimentés, à l’aide d’un appareil pulvérisateur, par les résidus qui proviennent de la distillation de ce naphte que Bakou et Derbent fournissent d’une façon inépuisable. À certaines stations de la ligne, il existe de vastes réservoirs remplis de ce combustible minéral, que l’on verse dans les récipients du tender, et il est brûlé sur les grillages spéciaux dont sont munies les machines. C’est ce naphte qui est employé à bord des steamboats du Volga et autres affluents de la mer Caspienne.

On me croira si j’affirme que le paysage n’est pas extrêmement varié. Le sol, presque plan à travers les terrains sablonneux, est absolument horizontal à la surface des terrains d’alluvion, où stagnent des eaux saumâtres. Aussi s’est-il on ne peut mieux prêté à l’établissement d’une voie ferrée. Pas de tranchées, pas de remblais, pas de viaducs, aucun ouvrage d’art, pour me servir d’un terme cher aux ingénieurs — et même très « cher ». Çà et là, seulement, quelques ponts de bois, longs de deux cents à trois cents pieds. En ces conditions, le coût kilométrique du Transcaspien n’a pas dépassé soixante-quinze mille francs.

La monotonie du voyage ne sera rompue que sur les vastes oasis de Merv, de Boukhara et de Samarkande.