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quatre-vingts sur un mètre de largeur et de profondeur. On l’a placée en cet endroit avec le soin qu’exigent ces mots écrits en russe sur ses montants : GlacesFragileCraint l’humidité. Et ces indications : HautBas, qui ont été respectées. Puis, une adresse ainsi libellée : Mlle Zinca Klork, avenue Cha-Coua, Pékin, province de Petchili, Chine.

Cette Zinca Klork, — son nom l’indique, — doit être une Roumaine, et elle profite de ce train direct du Grand-Transasiatique pour se faire expédier des glaces. Est-ce que cet article manque aux magasins de l’Empire du Milieu ? Comment font alors les belles Célestes pour admirer leurs yeux fendus en amande et l’édifice de leur chevelure ?

La cloche retentit et annonce le dîner de six heures. Le « dining-room » est à l’avant. J’y descends et trouve la table déjà garnie d’une quarantaine de convives.

Fulk Ephrinell s’est installé à peu près au centre du salon. Une place étant libre près de lui, il me fait signe de venir l’occuper, et je me hâte d’aller en prendre possession.

Est-ce hasard pur, je ne sais, mais la voyageuse anglaise est assise à la gauche de Fulk Ephrinell, qui s’entretient avec elle et croit devoir me la présenter.

« Miss Horatia Bluett », dit-il.

En face, j’aperçois le couple français, lequel étudie consciencieusement la carte du dîner.

À l’autre bout de la table, du côté de l’office d’où viennent les plats, — ce qui lui permettra de se servir le premier, — se carre le voyageur allemand, un homme fortement constitué, face rougeaude, cheveux blonds, barbe roussâtre, mains empotées, nez très long, qui fait songer à l’appareil proboscidien des plantigrades. Il a cet air sui generis des officiers de la landsturm que menace une obésité précoce.

« Il n’est pas en retard, cette fois, dis-je à Fulk Ephrinell.

— L’heure du dîner ne se manque jamais dans l’empire germanique ! me répond l’Américain.